7 – L'ambition de l'écrivain

Le livre poussiéreux posé sur sa table de nuit en disait long également. Certes, il trahissait d’abord son désamour pour la lecture tout comme celui pour le ménage. Cependant, il exposait aussi son ambition passive, en suspens, d’un jour s’octroyer un savoir plus grand en se plongeant dans les puits de culture que les livres représentaient pour lui. Il chérissait cet état d’apprentis qui accompagnait ses yeux au fil des lignes, mais il avait beaucoup de mal avec le processus de lecture. Rapidement, il se surprenait à compter les pages qu’il avait déjà parcourues, comme le font les enfants à l’école lorsqu’ils sont obligés d’étudier des ouvrages. C’est ce rapport qu’il avait à la lecture. Alors, il avait trouvé d’autres canaux pour se cultiver, et ne culpabilisait pas outre mesure de la fine couche de particules qui recouvrait la première de couverture. Il existait pourtant une raison pour laquelle il aurait préféré être un lecteur aguerri : il avait le goût de l’écriture. Malheureusement, on lui avait toujours rappelé, sa mère en première ligne, que pour pouvoir écrire, il fallait lire. Donc, il n’écrivait pas non plus. De la même manière, il trouvait d’autres canaux pour exprimer sa créativité d’écrivain, tels que les paroles de musique, de discours, de lettres d’amour et d’amitié, parfois même de poésie, pour lesquels tout le monde reconnaissait toujours qu’il excellait. Les aptitudes requises étaient incontestablement similaires, mais aucun diplôme n’était demandé pour s’y atteler, contrairement à l’écriture de livre, réservée à l’élite de « ceux qui lisent », et échangent dans les cafés au sujet de leurs dernières lectures, ne ressentant aucun besoin de préciser le nombre de pages que contenaient ces dernières. Il y avait comme cela des activités que l’on pouvait, selon lui, pratiquer modestement, en tant qu’amateur éclairé, et d’autres pour lesquelles cela était impossible. Personne n’écrit de livre modestement, il faut être ambitieux, connaisseur, implacable.